De par sa simplicité d’utilisation et son modèle open source, WordPress s’est rapidement imposé comme le CMS de référence pour la création de sites Web. Le développement du projet WordPress a favorisé la création d’un écosystème économique prospère, avec des entreprises offrant des services complémentaires : hébergement, thèmes, plugins, etc.
Le conflit, qui préoccupe tous les acteurs de l’univers WordPress, a débuté en septembre dernier entre WordPress.com (le CMS Open Source) et l’éditeur WP Engine (éditeur entre autres d'un module très connu et largement utilisé : ACF). Il met en lumière les tensions croissantes entre les aspects collaboratifs du projet open source et les intérêts commerciaux des entreprises bâties autour de la plateforme.
Dans cet article, nous revenons sur les origines de ce conflit, les différents rebondissements et les répercussions sur la communauté WordPress.
L’origine du conflit ne date pas d’hier. En effet, des tensions entre Automattic, la société fondée par Matt Mullenweg (co-créateur de WordPress) et WP Engine, l’un des principaux fournisseurs d’hébergement du CMS WordPress ont toujours existé. La raison ? Leur positionnement sur le marché de l’hébergement WordPress.
En effet, les deux entreprises fournissent des solutions d’hébergement WordPress clé en main, mais avec des modèles commerciaux différents. Automattic propose des solutions d’hébergement gratuites et payantes, alors que WP Engine adopte une stratégie premium.
Mais les hostilités entre les deux parties ont réellement éclaté le 21 septembre 2024, quand Matt Mullenweg a vivement critiqué WP Engine lors d’une conférence WordCamp et repris dans les médias. Le co-fondateur de WordPress a vivement accusé WP Enginee de profiter de la plateforme sans y contribuer suffisamment, allant même jusqu’à qualifier WP Engine de « cancer de WordPress ».
Depuis plusieurs semaines, l’écosystème WordPress vit donc au rythme de multiples rebondissements. La situation s’est rapidement envenimée et plusieurs actions ont suscité l’inquiétude de la communauté. Voici un récapitulatif des évènements qui ont marqué ce conflit.
La situation entre les deux parties s’est vite dégradée. Les principales actions juridiques de ce conflit sont listées ci-dessous :
En parallèle de cette escalade juridique, plusieurs actions ont été réalisées par WordPress :
Selon un article publié le 15 octobre par TechCrunch, un billet sur le blog interne d’Automattic datant de janvier 2024, révèle que la société élaborait depuis plusieurs mois une stratégie d’application plus stricte de ses marques WordPress et Woocommerce.
Cette stratégie incluait des dépôts de marques (Managed WordPress et Hosted WordPress), des actions juridiques et un programme de licences payantes.
À la lecture ce dernier point, pouvons-nous vraiment croire que cette querelle n’était pas préméditée ? WP Engine sera-t-elle la seule entreprise cible ou d’autres entreprises gravitant autour de WordPress peuvent être inquiétées ? Bonnes questions, non ? Mais une chose est sûre, c’est que cette bataille a des répercussions sur la communauté WordPress.
La crise entre les deux entreprises a eu (et aura encore) d’importantes répercussions sur l’écosystème et la communauté WordPress.
L’un des premiers impacts concrets a été le blocage de WP Engine par WordPress. Le fournisseur n’a pu maintenir ses extensions et fournir à ses clients les mises à jour automatiques attendues. Même si WP Engine a contourné ce blocage en fournissant aux utilisateurs des solutions temporaires, les clients restent inquiets.
Nous en avons déjà parlé un peu plus haut, mais un autre impact, et pas des moindre, est la prise de contrôle de WordPress du pluginACF, rebaptisé depuis peu Secure Custom Fields. Une première en 20 ans.
Des contributeurs majeurs ont annoncé leur retrait du projet WordPress. Eh oui, certains contributeurs ne sont pas en accord avec les décisions prises par Matt Mullenweg et le font savoir. C’est le cas de Scott Kinsley Clark (créateur de l’API Fields) qui dans un message publié le 13 octobre sur make.wordpress.org dit « Je ne contribue plus à WordPress dans l'état actuel des choses. Suite à mon départ, nous avons besoin d'une nouvelle direction pour amener Fields API là où elle doit être pour le cœur de WordPress. »
Ce conflit a engendré une autre répercussion au sein de l’écosystème. Certains éditeurs d’extensions envisagent de quitter l’hébergement WordPress.org pour éviter d’éventuelles restrictions ou de voir le code source créé repris comme ce fut le cas pour le plugin ACF.
En interne, sur une proposition de Matt Mullenweg, ce conflit a engendré une première vague de départs. Environs 8,4 % des employés d’Automattic auraient déjà quitté leur fonction. Le 17 octobre, Matt Mullenweg récidive en annonçant une nouvelle proposition de départ. Ces départs révèlent une profonde division au sein de l’entreprise.
Et sur le long terme, la communauté WordPress s’interroge sur l’avenir du statut « Open Source » de la plateforme et sur l’équilibre entre les intérêts commerciaux et communautaires.
En résumé, l’écosystème WordPress et son modèle « Open Source » sont-ils en danger ? Le différend entre Automattic et WP Engine a révélé les tensions sous-jacentes au sein de l’écosystème WordPress. Bien que WordPress demeure le CMS le plus utilisé au monde (40 % des sites Web dans le monde), la centralisation croissante du pouvoir autour de Matt Mullenweg et d’Automattic soulève d’importants doutes sur l’avenir du projet « Open Source ». Le véritable risque pour la communauté serait de voir s’effriter la confiance dans le projet WordPress, et de perdre ce qui fait du CMS WordPress un projet collaboratif et libre.
Sources :
Crédit photo : Justin Morgan