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La bibliothèque comme troisième lieu

20 septembre 2021


Les bibliothèques ont beaucoup évolué ces dernières années ! Entre crise identitaire, modification de leurs formes et de leurs activités, les bibliothèques sont “sorties” de leur fonction initiale pour agréger de nouvelles fonctions et de nouveaux usages. Elles sont devenues médiathèques, ludothèques, tiers-lieu...  

La bibliothèque se transforme pour devenir un bien commun mais surtout un tiers-lieu culturel en pleine (r)évolution ! 

De la bibliothèque d’aujourd’hui à celle de demain 

La bibliothèque s’est beaucoup modernisée depuis quelques années, notamment avec l’intégration de plus en plus importante des outils et pratiques numériques. La “bibliothèque de demain” est souvent une expression utilisée pour décrire les mutations en cours dans le secteur : conditions d’accueil du public, agencement des lieux, offre de services, pratiques collaboratives... En bref, la bibliothèque “de demain”  est bien davantage qu’une bibliothèque “numérique” ou un tiers-lieu.  

Des bibliothèques étrangères, on retient déjà beaucoup d’exemples innovants et précurseurs des États-Unis, des Pays-Bas et de la Finlande qui ont été les premiers à transformer leurs bibliothèques en tiers-lieux culturels. 

En France, des bibliothèques comme celle de Lezoux (6 000 habitants, Puy-de-Dôme) incarnent très bien le concept de bibliothèque tiers-lieu. 

Revenons sur les termes de bibliothèques troisième lieu ou tiers-lieu : 

 

Qu’est-ce que la bibliothèque troisième lieu ?  

Conceptualisé par le sociologue américain Ray Oldenburg dans les années 1980, le "third place” ou le troisième lieu désigne un lieu entre le domicile et le travail. Dans une Amérique des années 50 où l’extension des villes par lotissements devient de plus en plus importante, il fait le constat d’un défaut de sociabilisation. Face à cela, il décrit la nécessité de recréer du lien social, de rencontrer d’autres personnes et de favoriser le partage : c’est la création du concept de troisième lieu. 

Le troisième lieu est neutre, accessible à tous, sans discrimination d’aucune sorte et incarne l’égalité pour tous les individus. Il est protéiforme : un lieu de vie accessible à toutes les communautés, une démonstration de la société actuelle par des espaces ou activités en phase avec son époque, tantôt une salle de spectacles ou de concerts, tantôt un espace d’apprentissage et de culture... 

Il n’est pas seulement utilisé dans le milieu des bibliothèques. On retrouve aujourd’hui beaucoup d’enseignes qui utilisent le “troisième lieu” comme argument marketing. Par exemple, Starbucks ou McDonald’s (avec sa fameuse accroche “Venez comme vous êtes”) invitent leurs clients à passer du temps dans leurs restaurants pour travailler, se détendre, se retrouver. 

 

Différence entre tiers-lieu et troisième lieu ?  

Vous avez sûrement dû rencontrer ces deux termes tant dans la littérature francophone qu’anglophone. En réalité, il n’y a pas vraiment de différence entre la bibliothèque tiers-lieu et troisième lieu. Ces deux termes sont une traduction de la même notion de “third place” et désignent donc le même concept. 

L’expression de troisième lieu a été adoptée en France par le secteur des bibliothèques suite au mémoire de Mathilde Servet publié en 2009. Notez cependant que l’expression “tiers-lieu” est plus largement utilisée dans d’autres pays, comme au Canada. 

 

Un espace où l’on privilégie la relation humaine 

La raison d'être de la bibliothèque troisième lieu est de privilégier la relation humaine et l’échange à travers toutes les activités qu’elle propose – au-delà du traditionnel prêt de livre.  

L’UNESCO, via un manifeste sur la bibliothèque publique publié en 1994, rappelait déjà la mission essentielle de la bibliothèque : être un lieu accessible et non-discriminant. 

“Les services qu’elle assure sont également accessibles à tous, sans distinction d’âge, de race, de sexe, de religion, de nationalité, de langue ou de condition sociale. Des prestations et des équipements spéciaux doivent y être prévus à l’intention de ceux qui ne peuvent, pour une raison ou une autre, utiliser les services et le matériel normalement fournis, par exemple les minorités linguistiques, les handicapés, les personnes hospitalisées ou incarcérées.” issu du manifeste de l’UNESCO sur les bibliothèques publiques. 

C’est un lieu de mixité sociale par excellence : un espace ouvert à tous sans aucune discrimination. Grâce à ce concept, on essaie d’ouvrir la bibliothèque à tous, de reconquérir les publics perdus, de construire un espace accueillant aux sans-abris, aux non-francophones ou d’offrir un cadre de travail idéal aux lycéens et étudiants. 

Avec une mission construite autour de l’usager, la bibliothèque tiers-lieu aspire à être un lieu de rencontre informelle, de convivialité, d’échange, d’apprentissage et d’accueil. On peut y venir pour emprunter ou lire un livre, bien sûr, mais aussi pour écouter un CD, rencontrer des amis, travailler ensemble, consulter le web, se divertir, boire un café, et bien plus encore. 

En effet, une enquête du ministère de la Culture intitulée "Publics et usages des bibliothèques municipales en 2016" a révélé que 40% des Français fréquentent une bibliothèque municipale, mais pas forcément pour lire ! Cette enquête met en lumière une modification en profondeur sur le long terme du rapport qu’entretiennent les Français avec l’institution bibliothèque ainsi que l’adaptation progressive mais constante des bibliothèques à l’évolution des attentes et des besoins de leurs publics. 

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Un espace dans l’air du temps. 

La bibliothèque troisième lieu est un espace dans l’air du temps.  

S’adapter à l’évolution des attentes et des besoins de son public, c’est se tenir au courant et comprendre les tendances actuelles, les nouveaux modes de communication, de consommation, mais aussi les centres d’intérêts. Ce faisant, la bibliothèque se renouvelle pour garder le contact avec son public.  

Selon le manifeste de l’UNESCO publié en 1994 : “La bibliothèque publique doit répondre aux besoins de tous les groupes d’âge. Elle doit recourir, pour les collections qu’elle constitue et les services qu’elle assure, à tous les types de médias appropriés et à toutes les technologies modernes aussi bien qu’aux supports traditionnels. Il est essentiel qu’elle satisfasse aux plus hautes exigences de qualité et soit adaptée aux besoins et au contexte locaux. Elle doit être à la fois reflet des tendances du moment de l’évolution de la société, et mémoire de l’entreprise et de l’imagination humaines.”  

Bien sûr, l’accès à des technologies de l’information permet de réduire les inégalités et le fossé technologique grâce au libre accès des matériels informatiques, des formations ou des moments d’échanges dédiés.  

 

Bibliothèque : un lieu d’ancrage territorial 

Les bibliothèques troisième lieu bouleversent le rapport à la culture et à la citoyenneté. 

La bibliothèque est un moteur de lien social dans la ville. Lieu d’accueil pour tous, avec un accès égal et (le plus souvent) gratuit, c’est un lieu qui encourage et clame la construction d’une société inclusive. En plus d’offrir un lieu qui facilite les rencontres et les échanges, la bibliothèque troisième lieu favorise la construction d’une société qui inclut ses citoyens grâce au fonctionnement participatif. Le but est de parvenir à une meilleure démocratisation culturelle en permettant aux usagers de reprendre le contrôle de leurs bibliothèques. 

Dans un contexte où certaines villes connaissent une baisse de leurs ressources, une perte d’attractivité menant à une baisse du nombre d’habitants, la bibliothèque troisième lieu est souvent une réponse à ces enjeux complexes et multiples. 

Un exemple marquant (mais pas nouveau) est le concept de bibliothèque hors les murs, représenté dans la pensée collective par les “bibliobus”. Le mémoire de Amélie Barrio traite de l’impact territorial de la bibliothèque hors les murs. Et notamment des bibliobus dont “sa généralisation progressive a permis d’en faire le symbole du maillage territorial par l’organisation de dessertes et de renouveler les représentations du métier du côté des professionnels comme des usagers. La mise en place des bibliobus a bénéficié d’une large publicité et a permis de véhiculer une image de modernité de la bibliothèque, de renforcer le rôle de lien social et de service public de proximité pour venir à la rencontre de ses usagers, servir de supports pour les professionnels et bénévoles des bibliothèques de petites communes et apporter la lecture au plus près des populations”. 

Autres exemples plus récents : les portages de livres, bibliothèques de rues ou encore les  boîtes de retour de documents hors des bibliothèques dans des lieux communs (transports en commun, mairie, office de tourisme...). 

 

Une co-construction avec les libraires 

Il faut aussi penser la bibliothèque tiers-lieu comme un changement de paradigme dans la relation usagers-bibliothécaires.  

Comme nous l’abordions dans le point précédent, le citoyen réinvestit la bibliothèque non seulement comme usager, mais comme co-concepteur du projet et de l’évolution de l’établissement. Cette relation plus horizontale favorise l’échange de savoir, mais amène aussi encore plus de sociabilité. 

Quelle place a le bibliothécaire ? La pensée “troisième lieu” invite les employés de la bibliothèque à accepter qu’ils ne soient plus seulement des prescripteurs et connaisseurs ultimes de ce lieu. Bien sûr, les professionnels du secteur recommandent et apprennent des choses au public, facilitent la mise en relation public-ressource, mais ils doivent aussi accepter et se mettre en position d’apprendre et de se faire recommander par leurs publics. 

Cette nouvelle relation amène plus de sociabilité et un véritable rapport de confiance, grâce à l’horizontalité de la démarche et la convivialité apportée au rapport bibliothécaire-lecteur.  

 

Quelles limites à la bibliothèque troisième lieu ? 

Dans cet article de l’Abecedaire "La bibliothèque comme troisième lieu : espoirs et limites", Xavier Galaup, président de l’Association des bibliothécaires de France (ABF) déclare que “les bibliothèques ne peuvent pas devenir des lieux d’animation coupés des collections et de leur vocation culturelle”. En effet, il serait dommage de réduire le concept de bibliothèque troisième lieu comme une révolution design, architecturale, technologique ou marketing. C’est avant tout un concept voué à intégrer l’Humain et l’échange avant tout. Et en cela, il évoque un autre danger : “les équipements culturels communaux et intercommunaux doivent rester un service public ouvert à tous, le danger étant qu’un équipement devienne le lieu d’un seul petit groupe d’habitants”. 

En bref, la bibliothèque troisième lieu est un équilibre à trouver entre tradition et innovation, action sociétale et politique, et entre reconquête d’un public perdu et exclusion d’un autre.  

Concrètement, à quoi ressemble une bibliothèque troisième lieu ?  

La bibliothèque troisième lieu autorise de nouveaux comportements : on s’y allonge, on s’assoit au sol, on vient manger, on discute, on prend part à la rédaction du règlement... 

L’affordance des mobiliers est repensée : on y trouve des endroits pour se reposer, des mobiliers qui se transportent et se déplacent sans limites, des prises pour brancher son ordinateur personnel... En bref, l'agencement est non seulement repensé, mais il permet aussi des détournements des objets de leurs fonctionnalités premières. L’usager peut agir sur l’environnement qui lui est proposé. 

Des bibliothèques fonctionnent déjà sur le modèle de bibliothèque tiers-lieu (à l’étranger comme en France), comme la médiathèque de Lezoux (Puy-de-Dôme, 6 000 habitants) qui se définit comme un lieu de ressources multi-services. On y retrouve notamment, pêle-mêle :  

Un autre exemple réussi de troisième lieu de lecture publique est celui de la médiathèque Estaminet de Grenay (page 20) qui "a été conçue comme un « passage obligé » pour accéder à de nombreux services à la population”. 

 La médiathèque centre social Yves Coppens  (page 27) “propose plus qu’un simple guichet de prêts et de retours, c’est aussi un lieu de convivialité permettant à chacun de s’épanouir !”. Un exemple réussi de tiers-lieu pour cette médiathèque qui comptait (fin 2017) “1 260 inscrits pour… 1365 habitants (60 % de non-résidents !)”. 

 

Conclusion 

Loin d’être un modèle unique, la bibliothèque comme tiers-lieu culturel offre un éventail riche de possibilités. Plus attractifs, plus accessibles, plus flexibles et plus ouverts, ce concept offre une renaissance de la profession et de la relation bibliothécaires-usagers – sans pour autant être une réponse universelle.  

Il propose une remise en question du modèle classique de bibliothèque qui ne laisse personne indifférent.  

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Laëtitia Ligault
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